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Le Messin Metz, 28 septembre 1935
Le bavard 14 mars 1894

Le petit marseillais 24 octobre 1894

Le Petit Marseillais 1 novembre 1894
Le petit marseillais décembre 1893

 

  • Le Messin Metz, 28 septembre 1935

Le célèbre ténor Léon Escalaïs narre à M. Chaffard-Simé, directeur du Théatre municipal, quelques souvenirs savoureux de sa magnifique carrière

J’étais ces jours derniers sur le vaste plateau de la Gaîté-Lyrique de Paris, pour y faire quelques auditions d’artistes. Le hasard m’a mis en présence d’un des plus illustres chanteurs de ce siècle qui se fit acclamer sur les plus grandes scènes du Monde et qui enseigne aujourd’hui la science du chant, j’ai nommé Léon Escalaïs qui porte allégrement ses 77 ans. Sous la voûte des herses de cette scène qui rappelle tant de souvenirs artistiques, je serre la main du célèbre ténor : « Maître, lui dis-je, pourriez vous évoquer pour les Messins et pour moi les heures les plus marquantes de votre prodigieuse carrière ? Dois-je dire votre âge ? - Bien sûr. Je suis né à Cuxac-d’Aude, le 8 août 1859, et j’entre ce soir dans ma soixante-dix-septième année. - L’idée de chanter, de faire du théâtre, comment vous est-elle venue ? - Par d’autres, comme à la plupart…Mon père était cafetier. Je l’aidais à servir les clients. J’avais quinze ans. C’est l’âge des cigales. On chante à quinze ans. Je chantais du matin au soir, à tel point que le Maire dut prendre un arrêté fixant une heure-limite pour le chant dans les rues. Ce fut mon premier succès. « Un jour, Paul Combe, mon cousin, professeur à l’école Niedermeyer, Planchet, maître de Chapelle à la Trinité, Bayle et le docteur Gigout, de passage à Cuxac, m’entendirent et me conseillèrent de persévérer. « J’entrai à 18 ans au Conservatoire de Toulouse où, sous la direction du ténor Dufrene, je travaillais pendant trois ans. Je m’acharnais sur mes études musicales. J’obtins tous les prix de solfège. Enfin, à 21 ans, nanti du premier prix de chant, j’emportais vers Paris la bourse et les espoirs dont Toulouse m’avait comblé. « Je passais deux ans au Conservatoire de Paris où j’eus pour professeur de chant Crosti et pour professeur d’Opéra Obin. « Ah, ce cher Obin. Cela avait pourtant mal débuté entre nous. Il était brusque. Un jour qu’en scène j’avais une attitude inesthétique, il m’écrasa l’orteil d’un coup de talon. Il regretta bientôt sa brutalité et me prit alors sous son aile. « Il me fit cracher le sang » (sic). Mais il me sortit la voix, car j’avais bien des sons serrés. C’est grâce à Obin que je suis arrivé. » - Voilà, je crois bien, un coup de pied historique, Prix de chant et d’Opéra, Léon Escalaïs débuta à l’Opéra de Paris le 12 octobre 1883, dans « Guillaume Tell ». Ce fut un succès éclatant. - Cela faillit ne pas être. Mon chef de chant Delahaye m’avait prescrit de chanter le grand air du dernier acte en demi-teinte. A la répétition, Lassalle m’entend et, de son fauteuil, il me crie : « Escalaïs, si tu continues à retenir ta voix, tu es un homme à la mer, vas-y librement. » Mon directeur Vaucorbeil le permettant, j’y allais à pleine voix. Le lendemain le public acclama le point de vue de Lassalle, Vaucorbeil doubla mes appointements pour l’année et les tripla (ou presque) pour l’année suivante. J’obtenais ainsi 14.000 francs. C’était pour l’époque une petite fortune. - Etiez-vous heureux, Maître ? - Très heureux. Cela venait récompenser largement les efforts incessants que j’avais fournis depuis huit ans, aussi bien du côté musical que du côté vocal. Ah ! aujourd’hui, il y en a encore des ténors. Vous le savez bien.

La nature est la seule que n’atteigne pas la crise ; elle crée toujours des valeurs. Mais l’impatience, le manque de volonté, de persévérance, d’études, le dédain de la musique, les gros cachets…
- Maître, parlez-moi de vos succès. Et le cœur de Léon Escalaïs, ce cœur si jeune encore, de battre violemment comme au souvenir d’un amour passionné. Le teint du Maître s’empourpre, ses yeux, ses petits yeux malicieux et vifs s’éclairent d’une flamme soudain rallumée. Et d’un bond, vibrant de toute sa taille de « petit homme à grande voix », Léon Escalaïs vient vers moi… - Paris d’abord, l’Amérique ensuite me rappellent mes plus belles années. J’ai chanté partout, sur les scènes de toutes les capitales, en italien, en anglais, en français. Mais jamais, je n’ai trouvé salles plus vibrantes, auditoires plus sincèrement ardents et affectueux qu’à Marseille. J’ai débuté à Marseille sous la direction Roudil en 1885. Encore un anniversaire ! « J’ai chanté à Marseille pendant 12 années consécutives. Mes partenaires préférés, mes amis, y furent Strasy, la belle Strasy, le baryton Rouart et la basse Boudouresque. - Un souvenir, Maître… - Des souvenirs ? Quand on commence : « A Marseille… » il semble toujours qu’on raconte une galéjade. Ceci est pourtant de la plus scrupuleuse authenticité. « C’était un dimanche. (Etait-ce en 1890 ?) Il bruinait. Les Marseillais n’étaient pas allés au cabanon ; La salle était archi-comble. Sous les bravos, j’avais dû chanter six fois le « Supplice infâme ». Comme j’allais attaquer la septième fois, quelqu’un (c’était Auguste, le meneur du parterre dont se souviennent sûrement les vieux habitués de notre Opéra), Auguste, me crie : « Allez vaï. Ne te fatigue pas Léon. » Touché par tant de sollicitude familière, je dis au chef d’orchestre : « Vas-y ». Et je chantai, tandis qu’Auguste dans l’ombre, priait pour moi… Pendant 31 ans, Léon Escalaïs tint la scène. C’est le seul fort ténor ayant chanté si longtemps. Aussi a-t-il pu se consacrer avec autorité à la carrière du professorat où le secondait sa femme, Mme Lureau-Escalaïs, d’un talent égal au sien et morte récemment… Léon Escalaïs a formé les ténors Carrière, Charlesky, Guys. Le maître nous confie ses espoirs en ces élèves d’avenir… Il me répète ce qu’il disait récemment encore au concours du Conservatoire : « Mes jeunes amis, travaillez dans la liberté absolue : liberté du cou, liberté des organes de la voix. Ne vous droguez pas. Ne vous privez de rien, mais sans abus. Mais surtout travaillez, devenez musiciens. Vous ne serez pas déçus ». Les ombres d’Arnorld et d’Eléazar accourues à l’évocation d’un si pur et si glorieux passé planaient autour de Léon Escalaïs. Et dans cette couronne de cheveux blancs qui domine aujourd’hui sa face aux traits énergétiques, je voulus voir une auréole…. Escalaïs n’a jamais été remplacé !

CHAFFARD-SIME.

  • Le bavard 14 mars 1894

La Soirée : GRAND-THEATRE – L’AFRICAINE

Le public ne s’est pas montré enthousiasmé de cette reprise qui continue la série des faibles interprétations qui se succèdent depuis plusieurs années du plus massif des opéras de Meyerbeer. La présence de M. Escalaïs a pourtant donné quelque attrait à la soirée, bien que l’excellent ténor parût ressentir un peu de fatigue. Il n’en a pas moins bien dit son grand air du quatrième acte et le beau duo avec Mlle Tracey, que le rôle de Sélika ne favorise pas comme ceux interprétés précédemment par elle. Mme Escalaïs donne au personnage ingrat d’Inès une valeur qu’il est loin de posséder ; le public l’a compris, aussi a-t-il applaudi la brillante cantatrice comme elle le méritait. Le rôle du sauvage et passionné Nelusko est un peu bien lourd pour M. Génécand ; mais ce consciencieux acteur a fait preuve d’une bonne volonté et d’une intelligence dont il faut lui tenir compte. MM. Bourgeois et Vigier sont d’une parfaite correction. Finissons par où nous aurions dû commencer, c’est-à-dire en signalant la bonne exécution de tout le premier acte.

  • Le petit marseillais 24 octobre 1894

La Soirée

LES « HUGUENOTS » – M. ESCALAIS

Pas de début, hier, mais une très bonne représentation du chef-d’œuvre de Meyerbeer pour la rentrée de M. Escalaïs dans le beau rôle de Raoul de Nangis. L’excellent ténor, après le repos forcé que l’on sait, nous revient plus en voix que jamais et plein d’une vaillance qui s’est affirmée d’acte en acte, pour aboutir au grand duo du 6e acte, à tout l’éclat de la passion que réclame cet admirable morceau. Le succès de M. Escalaïs est incontestable ; chaque acte lui a valu un rappel. Au dernier tableau, après le trio dramatique avec Valentine et Marcel, trois salves d’applaudissements nourris ont salué l’annonce de la rentrée de M. Escalaïs, lequel a pu se convaincre des sympathies réelles qu’il possède dans notre ville. Il n’est que trop juste d’associer au beau succès de M. Escalaïs, non seulement Mlle Martini, tragédienne lyrique d'une grande intelligence, mais aussi M. Sylvestre dont le talent sérieux s’affirme de plus en plus.

L.L. GOZLAN.

  • Le Petit Marseillais 1 novembre 1894

La Soirée

« GUILLAUME TEL » – DÉBUTS


Comme on le sait il y a eu maldonne, pour la représentation de cet ouvrage, la semaine dernière, par suite des incidents racontés içi tout au long. Hier soir, Guillaume Tell est allé jusqu’au bout de ses prouesses patriotiques et vocales. Le ballet n’a soulevé d’autre bruit que celui des bravos ; cela me permet de citer favorablement M. Natta et Mlles Rivolta, Tasi également applaudies et estimées du public. M.et Mme Escalaïs ont fait preuve d’un talent bien souple et brillant dans ce périlleux duo du deuxième acte, dont le charme est d’être dit à fleur de lèvres. Dans les passages de force, au 4e acte notamment, notre fort ténor a dépensé une superbe vaillance de poumons. Il était hier, dans la plénitude de sa merveilleuse voix ; les ut jaillissaient de son gosier avec une aisance, un peu extraordinaire ; aussi rappel à chaque acte en compagnie de Mme Escalaïs, qui a donné au personnage de Mathilde une distinction supérieure. L’intérêt de la représentation portait également sur le deuxième début de M. Layolle, baryton. Un peu paralysé, sans doute par l’émotion, l’autre soir cet artiste n’avait pas donné toute son énergie vocale et son éloquence de jeu. Hier, nous avons été pleinement satisfait. Récitatifs, prière, scènes de tendresse, élans patriotiques, tout a été souligné par lui avec art et conscience. Cet artiste nous paraît devoir aisément triompher de ses rares opposants, à l’épreuve finale. La barcarolle du premier acte a fait valoir très agréablement la jolie, très jolie voix de M. Deville à qui nous devons un compliment bien mérité. En résumé, une des plus intéressantes représentations de ce commencement de saison.

R.

  • Le petit marseillais décembre 1893

THÉATRES, CONCERTS, SPECTACLES

Le Grand-Théatre, qui fait ce soir relâche, donnera demain, par extraordinaire, en matinée, à prix réduits, les Huguenots ; le soir, à moitié prix, le Maître de Chapelle, la Fille du Régiment et le grand ballet de Faust. Le bureau de location est ouvert dès aujourd’hui pour les deux représentations. ~~ Le théatre du Gymnase annonce pour ce soir, au bénéfice et pour les adieux de l’excellent comique Castelain une véritable soirée de grand gala. Le spectacle est corsé, au reste : une comédie inédite, L’Autre ; le deuxième acte de Miss Helvett, le deuxième acte de la Fille du Tambour-Major, un intermède par les artistes de l’Alcazar, et du Palais de-Cristal, et le deuxième acte de la Mascotte. Voilà plus qu’il n’en faut, outre la sympathie qui s’attache au nom du bénéficiaire, pour faire, ce soir, salle comble au Gymnase. ~~ Aux variétés, dixième représentation de Mère et Marlure. Lundi soir, première du Sous-Préfet de Château-Buzard, comédie nouvelle de Gandillot, l’une des pièces les plus gaies du Palais-Royal. Le principal rôle, celui de Simonnette, sera tenu par l’étincelante Marie Kolb.

Nous recevons de M.et Mme Escalaïs, artistes de l’Opéra, la lettre suivante et les documents qu’elle renferme : Monsieur le Directeur, Je vous serai reconnaissant de vouloir bien faire insérer les lettres suivantes que j’ai eu l’honneur d’adresser à M. le maire et à MM. Lestellier et Cie – LÉON ESCALAÏS. Monsieur et cher Directeur, En arrivant à Marseille on me met au courant de la situation délicate dans laquelle pourrait nous placer vis-à-vis d’une certaine portion du public, l’application de la très gracieuse décision du conseil municipal, nous dispensant, ma femme et moi de tous débuts. Pour ne pas entraver notre tâche et nous mettre hors de suspicion nous avons demandé à M. le maire de revenir sur la décision prise, et nous permettre d’effectuer les débuts accoutumés. Recevez, Monsieur et cher directeur, l’assurance de mes sentiments bien sympathiques. – LÉON ESCALAÏS. P.-S. – Ci-joint la lettre que j’adresse à Monsieur le maire. Monsieur le Maire, Dans une séance toute récente, le conseil municipal avait bien voulu nous dispenser de la formalité des débuts. Une telle marque d’estime nous avait profondément touchés. En rayant cette clause de notre engagement, nous ignorions l’importance que le public marseillais a de tout temps attaché à cet usage. Mais, heureux que nous sommes de la perspective de faire une saison à Marseille. Où le public s’est toujours montré si bienveillant à notre égard, nous tenons à cœur de solliciter ses suffrages, en nous soumettant aux traditions de la salle Reauvau. Nous venons donc vous prier, Monsieur le Maire, de vouloir bien nous permettre d’effectuer les trois débuts réglementaires, chacun dans les rôles de son emploi. Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de nos sentiments de haute considération.

Signé : MARIA ESCALAÏS, de l’Opéra.

LÉON ESCALAÏS, de l’Opéra.

Le Petit Marseillais décembre 1893