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    Par Jean-Pierre Mouchon

    Thème : Biographie

    Format : Grand Format (170x240)

    Nombre de pages : 208

    Date de publication : 6 octobre 2014

    ISBN : 9782332703484

  • Sa jeunesse

Le 8 Août 1859 au N°7 de la Place Sieur Aune à Cuxac d’Aude un heureux événement se produisit au sein de la famille Escalaïs-Barbaza. Un superbe garçon Léon-Antoine venait de naître. Il devait devenir une grande gloire du beau canto mondial. Après la chute de Napoléon III ses parents s’installent comme Cafetiers au N°10 du Boulevard Yvan Pélissier. Tout jeune Léon chante toute la journée et avec son père Antoine doté d’une belle voix de basse chantante, notre artiste en herbe servait en chantant les clients qui appréciaient déjà le timbre et le charme de sa voix. Et c’est dans ce ‘Café des Républicains » que va se décider la carrière de notre future vedette « il sera chanteur ».

  • Au conservatoire

Après avoir été auditionné par des sommités musicales de Cuxac, Carcassonne, Bordeaux et Paris, il fut convenu que Léon poursuivrait des études pour le chant. A 16 ans il est admis au Conservatoire de Toulouse. Les études vocales et musicales vont de pair avec ses études classiques. De 1876 à 1879 il va moissonner de nombreux lauriers et en particulier 1er prix de chant, 1er prix d’opéra, 1er prix de solfège. Il quitte ensuite la Ville Rose et se dirige vers la Ville Lumière, Paris, tout auréolé de ses premiers succès. 1883 voit la récompense, obtenant tous les mêmes prix qu’à Toulouse mais aussi la consécration.

  • Ses débuts

En effet le directeur du Palais Garnier, notre opéra, engage ce ténor de 24 ans qui débutera dans Guillaume Tell. Peu de temps après, le 14 avril 1884, il épouse Maria Lureau une très grande cantatrice et célèbre Soprano. Elle accompagnera pendant douze années son mari, Léon Escalaïs, à travers le monde entier, chantant dans les mêmes pièces sur les mêmes scènes. Leur carrière et leur succès marchant de pair. Mais en 1896 des ennuis de santé assez sérieux mettent fin à la courte mais exceptionnelle carrière de Maria Lureau. Elle se consacre désormais à l’enseignement du chant. Hélas cette artiste à la voix délicieuse devait s’éteindre en 1923. Léon Escalaïs se retrouve seul, fait preuve de courage et redouble de travail.

  • Sa carrière
  Sa carrière exceptionnelle se poursuit. Les grandes scènes françaises et étrangères réclament cette grande voix. Les Etats unis, la Russie, la Turquie, l’Autriche, l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la Belgique, la Hollande, l’Angleterre, etc. l’accueillent. A tel point qu’un directeur d’un grand théâtre étranger disait : « Léon Escalaïs est l’artiste qui me coûte le moins cher ». Ses succès, ses triomphes allaient grandissants. Durant 31 ans il aura mené une brillante carrière lyrique. En 1912 il quitte la scène et enseigne le chant. Il formera de nombreux élèves. Mais attristé par les évènements de 1939 il se retire dans son village natal où il n’a que des amis et des admirateurs. Malgré son âge, 81 ans, il donne des leçons de chant. Infatigable dans ce domaine, généreux dans sa carrière artistique, ne refusant jamais le « bis » il a été un « grand » parmi les grands. Le 25 Août 1940 s’éteignait à jamais la belle voix de cet artiste exceptionnel du Beau Canto mondial.
  • Une grande carrière artistique

« Petit homme à grande voix, Léon Escalaïs possède un organe extraordinaire. Tel un jet d’eau s’élançant vers le ciel, sa voix s’élève, grandit, se déploie, s’étale, puis retombe en pluie de perles d’or ». C’était un homme charmant, attentionné, d’une générosité sans bornes et doté d’une très belle et vaste intelligence. Fort ténor il possède un grand répertoire : Guillaume Tell dans lequel il débutera. Puis la Juive dont son nom est inséparable durant de nombreuses années qu’il interprète incomparablement avec Boudouresque et Gabrielle Krauss. Mais aussi : Le Trouvère, Aïda, l’Africaine, Jérusalem, Robert le Diable, le Prophète, les Huguenots, Hériodade, Sigur, Polyeucte etc. Et les créations : Zaïre (opéra 1891), le Baptême de Clovis (Oratorio 1891), Hosanna de Fraisier et l’Angélus de la mer de Goublier. Près de 30 ans après, il joue pour la dernière fois La Juive avec les grandes Félia Litvinne (Russe) et Gabrielle Krauss (Allemande). Membre du Jury du Conservatoire National de Paris il professe le chant dans son pavillon de la rue de La Rochefoucault où il reçoit de nombreux élèves. Un certain nombre ont déjà acquis la célébrité : Micheletti, Luccioni, Carrière, Iché, Charlesky, Morini, Rose Cardouy, Bernadette Le Michel du Roy, Lucy, Caylus, Lyne Clevers, etc. En 1929 il est fait chevalier de la Légion d’Honneur, Mais il obtient aussi des distinctions internationales : Michau (Tunisie) Medjidié (Turquie) St. André (Russie) St.-Grégoire Le Grand (Italie).

  • Anecdotes

Léon EscalaÎs, d’origines modestes, eut le don du chant dès son jeune âge. Dans son adolescence, au cours de promenades nocturnes avec ses camarades, les rues étroites de Cuxac retentirent de ses chansons. Ses braves compatriotes furent ainsi les premiers à apprécier sa voix. Ils y perdirent cependant un peu de leur sommeil. Le Maire de la Commune, admonesta, paternellement la jeunesse noctambule. Il la prévint toutefois qu’il ne tolèrerait plus « les chants de ténor » passé onze heures du soir. Le premier magistrat venait par un mot d’esprit, de décider de la carrière de son jeune administré. Ténor ? Pourquoi pas ?.

Le don du chant de Léon EscalaÎs était connu de tous à Cuxac. Si bien qu’un jour sur invitation , Mr Elie Massal organiste à Cuxac reçut à sa table trois personnalités musicales. Paul Combes, originaire de Cuxac et cousin du jeune prodige, organiste à Bordeaux, Paul Lacombe de Carcassonne, compositeur et Maître Blanchet organiste de La Trinité à Paris. Après le repas ils se rendirent au café « des Républicains », où le jeune chanteur leur servit un digestif. Et là, se décida la carrière. « Il serait, il sera chanteur ». Après une petite audition le mini jury conseilla aux parents de ne pas tarder à envoyer leur fils poursuivre ses études. Il est admis au Conservatoire de Toulouse en 1876.

Alors qu’il répétait à l’Opéra de Paris Guillaume Tell pour ses débuts, le directeur Vaucorbeil qui le faisait chanter en demi-teinte l’interrompt. Escalaïs recommence mais cette fois à pleine voix rompant avec ce qu’on lui avait enseigné. Ce fut une révélation. Mais le lendemain pour ses débuts officiels il n’était pas rassuré. « Tout tournait autour de moi, a-t-il raconté. Je me sentais perdu, lorsqu’une main me frappa l’épaule et une voix murmura : « Léon, je suis là ! ». C’était Lassalle. Il me sauva. Je triomphais de mon trac ». Lassalle, baryton, s’était opposé à ce qu’il commence dans La Juive prétextant qu’il n’avait pas « assez de grave » !

Il fut le grand champion du contre-ut de l’histoire des ténors français. Il assumait sans fatigue les partitions les plus périlleuses, il galvanisait le public par un épanouissement sonore qui croissait en même temps que les notes s’élevaient. Il ne refusait jamais de « bisser ». C’est ainsi que lors d’une tournée aux Etats Unis il a chanté 7 fois l’air du Trouvère « supplice infâme », 2 fois en Français, 2 fois en Italien, 2 fois en Anglais, 1 dernière fois en Français. Il avait poussé 14 contre-uts en un quart d’heure. En 1907, il interpréta également 7 fois l’air du Trouvère « supplice infâme », lors de l’inauguration de l’Opéra d’ORAN en Algérie.

Il donna des jouissances suprêmes à ceux qui avaient le culte de la voix pour la voix et il connut auprès d’eux une popularité sans borne. Ainsi à Marseille dans les « Airs » une partie du public lui réclamait-elle les bis, alors que l’autre partie criait « Léon ne te fatigue pas ! ». Cette familiarité aboutissait parfois à un véritable dialogue entre l’artiste et la salle. Un jour, à Marseille encore, dans le trio du second acte de Guillaume Tell, il donna par inadvertance, le simple contre-ut au lieu du contre-ut dièse. Aussitôt une voix tomba du poulailler : « Oh ! Léon, et la grosse note tu l’oublies ? ». Escalaïs arrêta net l’orchestre et dit au chef : « On recommence », et il chanta l’ut dièse.

Léon Escalaïs avait été le disciple de Duprez, âgé, avec qui il avait travaillé… Guillaume Tell en Italien. Les ressemblances entre les deux chanteurs étaient nombreuses et Escalaïs était lui aussi un petit homme à la grande voix à qui il manquait 15 cm. de taille ! Il joua tous ses rôles avec sa moustache aux extrémités relevées et sa barbe en pointe ; et tous ses rôles s’en accomodèrent fort bien. Une autre particularité curieuse de sa carrière, c’est qu’avec sa petite taille, il eut toujours comme partenaire de très grandes femmes : Krauss, Caron, Strazy, Ardiny, Litvinne etc.

Ses parents l’ayant rejoint à Paris, il avait vendu le café et avait acheté une belle demeure au N°41 du Boulevard de Vingré. Ensuite il devint acquéreur de la belle propriété de la famille Andrieu au N°4 de l’Avenue de St.-Pons, vignoble, maison de maître, dépendances. Par cet achat il devenait un gros propriétaire. Pendant de nombreuses années le 4, Avenue de St.-Pons verra défiler un nombre incalculable de personnalités musicales, des élèves, des artistes, les uns pour des leçons, d’autres pour des conseils et combien pour le saluer. La porte était toujours ouverte, lui toujours accueillant avec un large sourire.

Courant Août 1940, il donnait à Cuxac une leçon de chant, à son fidèle ami Louis Bousquet, organiste. Il reçut la visite de M. Le Directeur de la Monnaie de Bruxelles qui de passage à Narbonne avait fait un crochet par Cuxac, pour venir saluer le grand artiste qui avait fait les beaux jours de ce temple de la musique et du chant. Il se leva après de bons moments de conversation artistique et demanda à son fidèle ami de lui plaquer sur le piano un accord en « ut ». Aussitôt un « contre-ut » clair, net, puissant jaillit de cette poitrine, ne ressentant aucun effort et dit : « ce contre-ut est pour M. Le Directeur ». Après quelques paroles et un regard complice à son ami, l’on entend un second accord, suivi d’un deuxième « contre-ut » aussi brillant et éclatant que le premier. Celui-ci, fit-il est pour « le mari de ma gouvernante dont nous sommes sans nouvelles ». La visite de cette très brillante personnalité touchait à sa fin, il fit un clin d’œil à son ami qui avait l’habitude d’obéir à l’œil et à la baguette du maître et plaqua un troisième et dernier accord suivi d’un merveilleux et troisième « contre-ut ». Léon Escalaïs venait de fêter ses 81 ans. Quelques jours après s’éteignait à jamais une des plus grandes voix du Bel Canto International.